Bouquet de vers sur l’Univers de nos poètes, ces éternels rêveurs d’étoiles.
Antoine de Saint-Exupéry, Le Petit Prince (1943)
« – Sire… sur quoi régnez-vous ?
– Sur tout, répondit le roi, avec une grande simplicité.
Car non seulement c’était un monarque absolu mais c’était un monarque universel. »
« Et j’aime la nuit écouter les étoiles. C’est comme cinq cent millions de grelots… »
« C’est utile à mes volcans, et c’est utile à ma fleur, que je les possède. Mais tu n’es pas utile aux étoiles… »
« J’écris sur un petit papier le nombre de mes étoiles. Et puis j’enferme à clef ce papier-là dans un tiroir. »
« Si quelqu’un aime une fleur qui n’existe qu’à un exemplaire dans les millions et les millions d’étoiles, ça suffit pour qu’il soit heureux quand il les regarde. »
« Pour vous donner une idée des dimensions de la Terre je vous dirai qu’avant l’invention de l’électricité on y devait entretenir, sur l’ensemble des six continents, une véritable armée de quatre cent soixante-deux mille cinq cent onze allumeurs de réverbères. »
« Nous écrivons des choses éternelles. »
Les espaces infinis, Anna de Noailles (extrait, 1920)
« En vain j’ai soutenu, tremblante jusqu’aux moelles,
Le combat de l’esprit avec l’universel,
J’ai toujours vu sur moi, étranger et cruel,
Le gel impondérable et hautain des étoiles !
Entends-moi, je reviens d’en haut, je te le dis,
Dans l’azur somptueux toute âme est solitaire,
Mais la chaleur humaine est un sûr paradis ;
Il n’est rien que les sens de l’homme et que la terre !
Feins de ne pas savoir, pauvre esprit sans recours,
Qu’un joug pèse sur toi du front altier des cimes,
Ramène à ta mesure un monde qui t’opprime,
Et réduis l’infini au culte de l’amour.
— Puisque rien de l’espace, hélas ! ne te concerne,
Puisque tout se refuse à l’anxieux appel,
Laisse la vaste mer bercer l’algue et le sel,
Et l’étoile entr’ouvrir sa brillante citerne,
Abaisse tes regards, interdis à tes yeux
Le coupable désir de chercher, de connaitre,
Puisqu’il te faut mourir comme il t’a fallu naître,
Résigne-toi, pauvre âme, et guéris-toi des cieux… »
La coupe en mes mains encor pleine.
L’herbe ma nourriture, et l’onde ma boisson,
Mes plaisirs l’innocence, et mon bien la raison. […]
Va dans la vaste mer plonger ses blonds cheveux,
Avant de nous quitter, un seul instant arrête :
Etoile de l’amour, ne descends pas des cieux !
Extrait du poème « Plein ciel », La légende des siècles, Victor Hugo (1859)
« Loin dans les profondeurs, hors des nuits, hors du flot,
Dans un écartement de nuages, qui laisse
Voir au-dessus des mers la céleste allégresse,
Un point vague et confus apparaît ; dans le vent,
Dans l’espace, ce point se meut ; il est vivant ;
Il va, descend, remonte ; il fait ce qu’il veut faire ;
Il approche, il prend forme, il vient ; c’est une sphère ;
C’est un inexprimable et surprenant vaisseau,
Globe comme le monde et comme l’aigle oiseau ;
C’est un navire en marche. Où ? Dans l’éther sublime !
Rêve ! on croit voir planer un morceau d’une cime ;
Le haut d’une montagne a, sous l’orbe étoilé,
Pris des ailes et s’est tout à coup envolé ?
Quelque heure immense étant dans les destins sonnée,
La nue errante s’est en vaisseau façonnée ?
La Fable apparaît-elle à nos yeux décevants ?
L’antique Éole a-t-il jeté son outre aux vents ?
De sorte qu’en ce gouffre où les orages naissent,
Les vents, subitement domptés, la reconnaissent !
Est-ce l’aimant qui s’est fait aider par l’éclair
Pour bâtir un esquif céleste avec de l’air ?
Du haut des clairs azurs vient-il une visite ?
Est-ce un transfiguré qui part et ressuscite,
Qui monte, délivré de la terre, emporté
Sur un char volant fait d’extase et de clarté,
Et se rapproche un peu par instant, pour qu’on voie,
Du fond du monde noir, la fuite de sa joie ?
Ce n’est pas un morceau d’une cime ; ce n’est
Ni l’outre où tout le vent de la Fable tenait ;
Ni le jeu de l’éclair ; ce n’est pas un fantôme
Venu des profondeurs aurorales du dôme ;
Ni le rayonnement d’un ange qui s’en va,
Hors de quelque tombeau béant, vers Jéhovah.
Ni rien de ce qu’en songe ou dans la fièvre on nomme.
Qu’est-ce que ce navire impossible ? C’est l’homme.
C’est la grande révolte obéissante à Dieu !
La sainte fausse clef du fatal gouffre bleu !
C’est Isis qui déchire éperdument son voile !
C’est du métal, du bois, du chanvre et de la toile,
C’est de la pesanteur délivrée, et volant ;
C’est la force alliée à l’homme étincelant,
Fière, arrachant l’argile à sa chaîne éternelle,
C’est la matière, heureuse, altière, ayant en elle
De l’ouragan humain, et planant à travers
L’immense étonnement des cieux enfin ouverts. »
A l’étoile du Berger, Alfred De Musset (XVIIIe siècle)
Pâle Étoile du soir, messagère lointaine,
Dont le front sort brillant des voiles du couchant,
De ton palais d’azur, au sein du firmament,
Que regardes-tu dans la plaine ?
Que cherches-tu sur la terre endormie ?
Mais déjà sur les Monts, je te vois t’abaisser ;
Tu fuis en souriant, mélancolique amie
Etoile qui descend sur la verte colline,
Et ton tremblant regard est près de s’effacer.
Triste larme d’argent du manteau de la nuit
Toi que regarde au loin le pâtre qui chemine,
Tandis que pas à pas son long troupeau le suit.
Etoile où t’en vas-tu dans cette nuit immense ?
Cherches-tu sur la rive un lit dans les roseaux ?
Où t’en vas-tu si belle, à l’heure du silence
Tomber comme une perle, au sein profond des eaux ?
Ah ! si tu dois mourir, bel astre, et si ma tête
Va dans la vaste mer plonger ses blonds cheveux,
Avant de nous quitter, un seul instant arrête :
Etoile de l’amour, ne descends pas des cieux !
L’univers est un temple, Nicolas Gilbert (XVIIIème siècle)
L’univers est un temple où l’on voit l’injustice
Se targuer sur l’autel, un sceptre dans la main.
La modeste vertu, victime du dédain ;
Y marche l’oeil baissé devant l’éclat du vice ;
Et les pâles talents, couchés sur des grabats,
Y veillent consumés, par la faim qui les presse,
Tandis que, s’égayant, chantant dans la paresse,
L’ignorance au teint frais s’endort dans le damas. […]
Quand le teint du soleil s’obscurcit de pâleur,
Quand tout autour de moi respire la tristesse,
Mon cœur est soulagé, je sens moins mon malheur ;
Je crois que la nature à mon sort s’intéresse ;
Je crois que, courroucé d’avoir vu les humains
Refuser des secours à mes tristes destins,
Le ciel ne daigne pas leur prêter sa lumière…
Ou plutôt il me semble, et j’en suis consolé,
Que tout est comme moi plaintif et désolé.
J’aime à me retracer ma nouvelle carrière :
Mon lit sera la feuille, un antre ma chaumière,
L’herbe ma nourriture, et l’onde ma boisson,
Mes plaisirs l’innocence, et mon bien la raison. […]
Pensées, Pascal (XVIIème siècle)
« Le silence éternel de ces espaces infinis m’effraie. »
Comme Jadis l’âme de l’Univers, Joachim Du Bellay (L’Olive, 1549)
Comme jadis l’âme de l’univers
Énamourée en sa beauté profonde,
Pour façonner cette grand’ forme ronde
Et l’enrichir de ses thésors divers,
Courbant sur nous son temple aux yeux ouverts,
Sépara l’air, le feu, la terre, et l’onde,
Et pour tirer les semences du monde
Sonda le creux des abîmes couverts :
Non autrement, ô l’âme de ma vie !
Tu fus à toi par toi-même ravie,
Te voyant peinte en mon affection,
Lors ton regard d’un accord plus humain
Lia mes sens, où Amour de sa main
Forma le rond de ta perfection.