Deux milliards. C’est le nombre de personnes âgées dans le monde d’ici à 2050. Cela implique des changements économiques majeurs. Système de retraite et silver économie sont deux pans économiques liés à cette dernière période de la vie.
“Le travail de la jeunesse fait le repos de la vieillesse” dit le proverbe grec antique. Cette question ne pourrait être plus actuelle à l’heure où le gouvernement bataille pour faire accepter sa réforme sur un système économique consacré à la vieillesse.
Le fonctionnement du système de retraite en France
Le système de retraite en France est un système par répartition, c’est-à-dire que les cotisations des actifs servent à financer les pensions des retraités actuels. Dès lors, plusieurs questions émergent de ce fonctionnement : comment se calculent les pensions de retraites, quels sont les différents régimes, quel est l’âge de départ, et enfin, last but not least, comment se finance ce système ?
Aujourd’hui, le montant de la pension de retraite dépend d’une part de la durée d’assurance correspondant au nombre de trimestres travaillés validés auprès de la Sécurité sociale, et d’autre part du salaire annuel moyen des 25 meilleures années de la carrière du salarié dans le secteur privé, et des 6 derniers mois dans le secteur public.
Incroyable mais vrai, il existe 42 régimes de retraite qui complexifient quelque peu le système. On distingue diverses catégories : le régime général qui couvre la majorité des salariés, les régimes spéciaux qui concernent certaines professions (cheminots, fonctionnaires, avocats, etc.), les régimes complémentaires qui permettent aux salariés du secteur privé de bénéficier d’une retraite supplémentaire (en plus de leur régime de base) et enfin les autres régimes spécifiques (indépendants, exploitants agricoles, etc.).
Actuellement, le départ à la retraite est fixé à 62 ans, avec des dispositifs de départ anticipé pour les personnes ayant commencé à travailler jeunes ou ayant exercé des métiers pénibles. La nouvelle réforme proposée fait polémique, en repoussant l’âge minimum de départ et en incluant des changements dans la durée de cotisation. En effet, les actifs devraient travailler plus longtemps, soit 43 ans au lieu de 42 ans, et atteindre l’âge de 64 ans pour pouvoir bénéficier de leur pension de retraite à taux plein.
Tout ce système se discute en ce moment même au sein de différentes instances, mais vient le nerf de la guerre : le financement. Le financement du système de retraite se fait par les cotisations sociales payées par les salariés et les employeurs. Les cotisations sont réparties entre les différents régimes de retraite en fonction du nombre de salariés affiliés.
La modification de ce système, indispensable pour certains, insensée pour d’autres, provoque déjà de nombreux questionnements, car si l’âge de départ de la retraite et la cotisation sont les fondements de cette logique, comment ceux-ci peuvent-ils évoluer dans un contexte de vieillissement général ?
L’impact du vieillissement de la population sur ce système et sur la politique
L’augmentation du nombre de personnes âgées a un impact important sur le système de retraite en France étant donné que les cotisations des actifs servent à financer les pensions des retraités actuels. Or, avec le vieillissement de la population, il y a de plus en plus de retraités et moins de cotisants, ce qui peut rendre le système moins viable, voire déficitaire, au point de risquer la faillite ou la diminution drastique des pensions à long terme. Le Conseil d’orientation des retraites prévoit un déficit de -0,5 à -0,8 point de PIB sur le système de retraite d’ici à 2032 et s’inquiète d’une dégradation continue.
Les conséquences sont nombreuses. L’élément qui semble être le plus évident se révèle être la diminution du ratio cotisants/retraités, rendant le financement du système de retraite déficitaire. Assurément, ce manque de financement devrait être comblé, soit par des cotisations supplémentaires, soit par des transferts de l’État. Dans le cas où celui-ci ne pourrait pas prendre en charge ce manque en totalité, nous verrions arriver une pression fiscale accrue sur les actifs.
D’autres pays, comme les Etats-Unis, la Suisse ou le Royaume-Uni, ont privilégié un système différent : le système de capitalisation. Dans ce cadre, les salariés épargnent pour financer leur propre retraite, et sont libres de décider quelle part de revenus est mise de côté pour leur avenir.
Partant de ce constat, le gouvernement a proposé, afin d’assurer la pérennité du système de retraite, cette nouvelle réforme jouant non seulement sur l’allongement de la durée de cotisation, sur l’augmentation de l’âge de départ à la retraite, ou encore la réduction des avantages des régimes spéciaux.
Cette évolution démographique négative en ce qui concerne les retraites nous donne pourtant l’occasion d’assister au développement d’un marché de niche appelé la silver économie.
Le vieillissement général de la population ou l’opportunité de l’émergence de la silver économie
Qui peut penser que vieillesse ne fait pas bon ménage avec consommation et innovation ? Parmi les seniors, 77 % aimeraient davantage de services dans l’alimentation, 86 % déclarent pratiquer une activité physique, 54 % voyagent régulièrement en France ou à l’étranger, et seuls 8 % des personnes âgées en France sont dépendantes*. Tous ces besoins créent en retour une offre croissante de produits et services qu’on appelle la silver économie.
La silver économie est un terme qui désigne donc l’ensemble des activités économiques liées au vieillissement de la population. C’est une économie transversale en croissance qui se décline sur tous les marchés. Elle comprend tous les secteurs qui visent à répondre aux besoins spécifiques des personnes âgées, tels que les soins de santé, l’assistance à domicile, les technologies d’assistance, les loisirs et les voyages adaptés, ainsi que les produits de consommation spécifiques à cette population.
Même si elle peut passer pour un marché de niche, cette économie n’est plus un détail dans un marché global puisque déjà en 2015, on estimait que 54 % des dépenses réalisées par les particuliers étaient le fait de seniors. Selon une étude de la DREES datant de 2019, le marché de la silver économie en France était évalué à environ 130 milliards d’euros, avec un potentiel de croissance à la fois important et inexorable, estimé à 0,25 point de croissance de PIB par an selon Bpifrance, dans le contexte d’évolution démographique que nous avons évoqué.
Dans l’optique de pérenniser cette croissance, l’accès au financement reste un véritable enjeu. Plusieurs acteurs ont pris ce problème à bras-le-corps, avec la création de divers fonds d’investissements, des prêts d’honneur de la Caisse des dépôts, prêts sans intérêts ni garanties que l’entreprise s’engage à rembourser “sur l’honneur”, des soutiens en fonds propres de Bpifrance, id est des entrées au capital comme actionnaire , ou d’autres soutiens financiers de Business France. Les industriels ont eux aussi investi ce créneau, en créant le Syndicat national de la silver économie, avec la volonté de développer une filière d’excellence et fédérer l’ensemble des acteurs, constituant son écosystème.
La France peut se targuer de compter de nombreux acteurs devenus des références dans leurs secteurs respectifs tels que Cityzen mobility, un service de transports adapté aux seniors, Co-assist un service de téléassistance 2.0, ou Ubiquid une solution de traçabilité des vêtements des résidents de maison de retraite grâce à la technologie RFID afin qu’ils ne se perdent pas.
Bonne nouvelle, ceci n’est que le début ! Benjamin Zimmer, le directeur de la Silver Valley, réseau de plus de 300 acteurs de la filière, affirme que « les planètes sont en train de s’aligner et qu’il y a vraiment une économie qui se met en place ».
Une chose est certaine, nous n’avons pas fini d’entendre parler de la vieillesse, à la fois du côté administratif et financier, notamment avec la nouvelle réforme des retraites, mais également de l’élan de création et d’ambition qu’elle engendre. «La vieillesse est un naufrage, les vieux sont des épaves». Ces mots durs de Chateaubriand pourraient nous tenter d’abandonner toute perspective positive à propos de ce sujet. Pourtant, malgré les nombreux enjeux que l’évolution démographique certaine nous apporte, ce constat pessimiste ne doit pas nous faire perdre de vue le potentiel extraordinaire d’amélioration de la vie et du bien-vieillir.